Nous avons
souvent près de nos maisons, sur les places ou à la sortie des villages des
croix ou de petits oratoires parfois entourés d’arbres, parfois solitaires. Que
sont ces croix et ces oratoires ?
Les croix
sont les croix des rogations ; mais
que sont les Rogations ?
Bonne
question ! Les Rogations se célèbrent dans les trois jours qui précèdent
l’Ascension. On processionne à travers la campagne, pour demander à Dieu de
protéger les récoltes. C’est au V° siècle, après une série de calamités
printanières, que St Mamert institua la coutume.
Et
depuis lors, au petit matin, tout le village, croix en tête et précédé du curé,
des vicaires et des enfants de chœur en grand arroi, s’ébranlait à travers la
campagne. Le curé bénissait d’un goupillon magistral les futures moissons, les
arbres en fleur et le bétail étonné. D’une voix aussi fausse que les
cœurs étaient purs, les litanies des saints montaient jusqu’au ciel. Devant
chaque fontaine, chaque puits, et chaque croix tous également fleuris, la procession
s’arrêtait et le prêtre jetait dans l’eau un sel purificateur…
Désormais,
le curé a bien trop de paroisses à desservir pour prendre le temps de bénir les
cultures…
Et ce sont
des tracteurs qui processionnent à travers champs , répandant largement, pesticides,
insecticides et autres "icides" aux vertus discutables…
Qui nous
rendra les Rogations ???
Et les
Mariettes, alors ?
Les
« mariettes », comme les fermes fortifiées, font partie intégrante de
l’identité du Thymerais. Pourtant, aucune commune mesure entre la masse
imposante de la forteresse qui souvent, possède encore ses douves, ses
tourelles , ses contreforts, et la modeste niche posée sur un bloc de
pierre ou de maçonnerie de guère plus d’un mètre de haut, surmontée d’un toit à
deux pans et qui abrite une statue de la Vierge à laquelle elle est consacrée.
De la Vierge la plupart du temps, mais parfois aussi du Christ, de l’Enfant
Jésus ou d’un saint au pouvoir protecteur ou guérisseur. Ainsi dans certains de
ces oratoires, sont logés Saint Jacques qui fait tomber la fièvre, Saint Pierre
qui ouvre la porte du Paradis, Saint Sébastien… ou Sainte Barbe qui protège des
incendies. On la découvre le plus souvent à la croisée de chemins ou près d’un
point d’eau. Ces oratoires, édifiés sur le domaine public ou dans des
propriétés privées faisaient l’objet de pèlerinages individuels ou collectifs.
Les
mariettes qu’on l’on peut voir actuellement n’ont guère plus de deux siècles,
mais elles ont remplacé d’autres oratoires souvent beaucoup plus anciens. Le
nom de mariette vient-il du culte de la Vierge Marie auquel elles sont vouées
ou de leur voisinage des points d’eau ? Le débat reste ouvert. Il est
cependant plus que probable que ce culte a remplacé celui d’anciennes divinités
que l’Eglise Chrétienne tentait d’éradiquer. Puisqu’elle ne pouvait empêcher
ses fidèles d’aller prier des entités « païennes », elle a donné à
des Saints les pouvoirs attribués aux nymphes et génies qui hantaient les bois,
les forêts et les lieux humides.
Car on ne
trouve pas les mariettes uniquement au bord des mares ; certaines sont
parfois situées dans des lieux parfaitement secs. Il s’agit bien souvent dans
ce cas, d’anciens puits refermés ou de sources taries. Souvent, les mares
étaient alimentées par une source. Au siècle dernier, nombre de mares jugées
dangereuses ont été comblées ou
la source dévoyée ; la mariette est restée.
Mariettes
et croix de Rogations sont le plus souvent entretenues par les communes à
moindre frais. Qui nous empêche de les embellir ?
Le rosier
qui enlace celle de la photo n’a pas coûté un centime. Une bouture offerte et
plantée là a donné ce résultat en une année. Et c’est dans cet esprit qu’il
faut les fleurir : sans rien dépenser mais dans un esprit de partage, dans
la totale gratuité. Les jardiniers (ères) qui ont donnent à ceux qui n’ont pas ;
ceux qui savent montrent à ceux qui ne savent pas. Une occasion d’échange et de
partage le jour de la Saint-Fiacre, patron des jardiniers (fin septembre)
Avant de donner son nom à une de ces voitures à cheval rouges et noires qui
stationnaient près du Rond Point des Champs-Elysées, au bout de l’avenue
Matignon, avec dans les montants, un brave cheval qui somnolait le nez dans une
musette pleine d’avoine, Fiacre fut un moine Irlandais, devenu le saint patron
des jardiniers.
Vers 670, à la fin du règne des
mérovingiens, Fiacre quitta son île pour venir évangéliser le continent. Faron,
alors évêque de Meaux lui céda une clairière au milieu des bois pour s’y
installer un ermitage. Comme beaucoup de moines de son temps, Fiacre
connaissait les simples, avait quelques notions de médecine et était
aussi rebouteux.
Pour avoir soulagé quelques braconniers ou
chercheurs de champignons aventurés jusque là, sa renommée passa bientôt l’orée
de la forêt et l’on vint de partout le consulter.
Prières, écoute attentive, onguents et
tisanes obtenaient des guérisons que le bon Fiacre attribuait à la volonté
divine. Ses patients ne s’y trompaient pas ; grâce à leurs dons, il pût
construire un hospice qu’il entoura d’un beau jardin où il fit pousser
toutes les plantes utiles aux soins qu’il prodiguait. Il y ajouta fruits et
légumes dont il nourrissait les plus pauvres.
L’histoire ne le dit pas, mais en bon
jardinier Fiacre ne négligeait pas les fleurs dont il faisait orner la
chapelle. Et d’ailleurs nombre de fleurs se mangent et ont souvent des vertus
curatives. La capucine, par exemple… mais je m’égare… c’est un autre sujet.
Revenons à Fiacre dont la spécialité
devint le soulagement des hémorroïdes appelées depuis le Mal de Saint Fiacre.
Longtemps après sa mort, des pèlerins venaient s’asseoir sur son tombeau, à
Saint-Fiacre-en-Brie (Seine et Marne), dont la pierre était censée
soulager leur mal.
Un jardinier se doit d’être connaisseur en
graines et fécondité ; aussi en 1637, la reine Anne d’Autriche qui ne
parvenait pas à concevoir, vint le prier de lui donner un enfant, mâle de
préférence. Elle rapporta de son pèlerinage une médaille, quelle offrit à son
époux, le roi Louis XIII. Le pieux homme baisa… la médaille.
De mauvaises langues prétendent qu’un
autre ecclésiastique, le cardinal Mazarin qui secondait en tout son souverain,
ne se contenta pas de la médaille.
Tous ces efforts conjugués, offrirent
enfin au royaume de France Louis Dieudonné, le futur Louis XIV.
Béni soit saint Fiacre, patron des
jardiniers !