vendredi 14 octobre 2011

+ alma nature 2024

"Entre les quatre tiges divergentes d'un rejet de mimosa, à même l'herbe courte, deux rossignols de muraille avaient calé leur coupe de brindilles tressées. Presque pas d'ombre sur le nid, aucune protection contre le chat errant, la martre, le rapace. Trois oisillons, le bec large, déjà emplumés, l'oeil encore tendre et saillant, se tenaient immobiles sous notre regard, et le couple des parents émus échangeaient dans les basses branches un cri court suivi d'un petit "crrr" de rainette...
-S'ils sont jolis! admira ma gardienne.
Elle se pencha, porta hardiment une main caressante sur les oiseaux sauvages...
-Il ne faut pas y toucher, surtout!
-Et pourquoi donc? Té, je vais les garder tant soit peu du soleil...
Elle brassa une poignée de foin sec, la posa sur le nid, ménagea un passage pour les parents.
Et j'étais bien un peu jalouse, moi qui n'aurais pas osé faire crédit à la confiance des rossignols de muraille, ni les traiter comme un semis de jeunes laitues.
Pendant quelques jours, j'allais épier le nid et la vigilance des rossignols. Mais, doutant de moi, je ne m'approchais pas trop. Du moins, mon immobilité rassurait d'autres créatures, les très petits, les innombrables, les mal connus, le grand capricorne en vois noir sculpté comme un bijou de deuil, le bousier absorbé dans sa besogne de Sisyphe, la tarente bossue, et les crapauds bruns, si petits qu'ils ne me voyaient pas, aveuglés par mon évidence même.
Les jeunes rossignols prirent la volée sains et saufs. Je ne les ai pas vus partir. Mais je surpris dans le nid le lézard vert en flagrant délit d'"occupation". Je voudrais progresser dans l'esprit de cet usurpateur, et j'y tâche. Mais sa nervosité, son coeur précipité de lézard l'emportent toujours, et il s'enfuit dans le plis grand désordre, se heurte à l'un des quatre supports du nid, roule dans le sable, se relève poudré, se trompe de direction, donne du nez entre mes genoux, gagne un cep de vigne et s'y rend invisible derrière une feuille...
Cette verte feuille, entre lui et moi, c'est la barrière, refermée, du Paradis terrestre...

COLETTE

1 commentaire:

Odile de Tremblay a dit…

Ce sont des oiseaux qui ont élu domicile chez toi ? J'avais envie de mettre une mangeoire dans mon petit jardin, pour voir s'ils viennent plus près... La semaine dernière, j'ai vu sur le muret derrière mon bureau, ce qui me semble être (d'après mes bouquins !) une mésange charbonnière. J'admire...