samedi 9 mars 2013

Jardins de plume + alma nature 2024


Dès l'arrivée, ressaisies chacune par la routine de nos préférences, nous allons droit aux postes d'où nous arracha, l'an dernier, la fin des vacances. Devant même que de boire, la chienne tient l'arrêt au pied du pilier qui soutient la vigne vierge, la glycine et ses grandes pendeloques de gousses vertes; elle réclame le lézard vert qu'elle y laissa en septembre 1936. La chatte est déjà sur sa balustrade. Elle voit défiler ses ennemis les chats tropéziens, les sphinx du crépuscule, l'oiseau qui se baigne dans le panache d'arrosage, et elle convoque mentalement la verte grenouille de l'an révolu...
Chienne, chatte et moi, nous avons une conception très nette du plaisir, qui s'épanouit au choc du "temps retrouvé". Loin de s'affaiblir en se renouvelant, notre espoir annuel s'assoit fortement sur la mémoire, l'habitude, et couve pendant huit ou neuf mois ses récompenses, qui lui sont fidèles. Le mien n'est ni moins constant, ni moins fou que celui de mes compagnons: imaginer, de loin, qu'un bignonier sonne ici, de toutes ses trompettes rouges, la gloire de la canicule, et le trouver tel que je l'exigeais, furibond de fleurs... Rêver que le volubilis dispense, au rouge du bignonier, le bleu justement qui nous rend heureux; assigner dans mon songe altéré, à certain géranium dont la fleur double est serrée imite la rose, une certaine date d'épanouissement, contempler, à travers mille kilomètres d'espace, la poudre d'eau qui chaque soir décuple les parfums du jasmin... Ainsi constants, imperturbables, recommencent en juillet les paisibles miracles d'un jardin de Provence, et la tutélaire amitié des fleurs.

COLETTE - Belles saisons

1 commentaire:

Veronica B a dit…

Tiens faudrait que je reprenne le bouquin à la biblio il y a plein de photos en plus
Tu ne devineras jamais où j'ai passé l'aprem ! !! avec le soleil les oiseaux les fleurs à planter : bonheur !!!