samedi 10 mars 2012

Jardins de plumes + alma nature 2024

… Il se rendrait à une maisonnette lui appartenant près de Godalming, et dans le jardin de laquelle il avait bâti une espèce d’atelier en plein air, à mi-chemin entre la pièce d’habitation et le simple abri, avec le côté exposé au nord entièrement ouvert et flanqué de ce treillis vert qui n’était plus qu’une immense constellation d’étoiles violettes (il s’agit d’une clématite)…
… Son jardin était assez petit, mais clos par de vieux murs de brique, et il avait traité l’espace dont il disposait avec assez d’originalité. Son carré d’herbe ( on ne pouvait guère parler de pelouse) n’avait jamais été bien vaste, mais maintenant l’atelier extérieur, de vingt-cinq pieds sur trente, en occupait la majeure partie. D’un côté, il avait un solide mur de bois, et au sud et à l’est deux parois de treillis que les plantes grimpantes commençaient d’habiller et que doublaient à l’intérieur des tentures de Syrie et d’Orient. L’été, il passait là la plus grande partie de la journée, à peindre, à paresser et à vivre au grand air. Le sol, qui autrefois était fait de gazon, lequel avait complètement séché sous le toit, était recouvert de tapis persans, et il y avait une table à écrire, une table à manger, une bibliothèque pleine de vieux amis et une demi-douzaine de fauteuils en rotin. Un coin était abandonné aux affaires de jardin : il s’y trouvait une tondeuse, un tuyau d’arrosage, des cisailles et une bêche. Car comme beaucoup de gens impressionnables, Dick avait découvert que dans le jardinage - cette opération ininterrompue mêlant organisation et calcul en vue de satisfaire aux propensions des plantes et de les faire riches en couleurs et élevées de taille-, il y avait un merveilleux havre de calme pour le cerveau ballotté sur les mers de l’émotion. Les plantes aussi étaient réceptives, et tellement sensibles à la gentillesse ; penser à elles n’était jamais du temps perdu, et revenir après un mois d’absence passé à Londres, c’était être assuré d’une surprise et d’un plaisir nouveau dans chaque pied carré de plate-bande. Là même, avec quelle générosité vraiment royale la clématite violette s’apprêtait à lui revaloir les soins prodigués : chaque fleur tiendrait à montrer de façon tangible sa gratitude en posant comme modèle pour l’arrière-plan de son tableau.
La soirée était très chaude, non pas du fait de quelque signe avant-coureur de l’orage, mais de la claire, de la bonne chaleur de l’été, si bien qu’il dîna seul sous son abri, avec en guise de lampe les rougeoiements du soleil couchant, qui s’évanouirent lentement dans un ciel de velours bleu. Pourtant, il s’attarda longtemps sur son café, tout en regardant vers le nord, à travers le jardin, dans la direction de la rangée d’arbres qui l’abritait de la maison voisine. C’étaient des acacias, les plus gracieux et les plus féminins des végétaux, maintenant revêtus de leur plumage d’été, mais encore tendres et frais de feuilles. Au-dessus d’eux et plus près des parterres du jardin bien-aimé, courait un terre-plein de gazon peu élevé ; des touffes de pois de senteur exhalaient un parfum inimitable ; quand aux massifs de rosiers, ils étaient roses avec Baronne de Rothschild, et La France, cuivrés avec Beauté Inconstante et le rose Richardson. Enfin, plus près encore, à portée de la main, c’était le treillis vert tout moussant de violet… Et bien que… la vie ne se fut guère montrée propice, … il se dit qu’il faudrait vraiment n’être pas doué pour la vie pour avoir la passion des plantes et la passion de l’art sans pourtant réussir à s’organiser une existence pleine de satisfactions.

Edward Frederic BENSON - Le chat

1 commentaire:

Jean-Baptiste a dit…

J'adore je le transfère sur Face book.
ces sensations sont si bien décrites